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Retour sur la carrière de l'un des meilleurs Diables Rouges de l'Histoire du football belge

Photo du rédacteur: Ronald Vander MarenRonald Vander Maren

Dernière mise à jour : 30 oct. 2020


Ses cheveux noirs de jais, son teint hâlé et son nom de famille trahissent inévitablement ses origines : "on dirait le Sud" (chantait Nino Ferrer).

Natif d’Aragona, en Sicile , son grand-père et toute sa famille migrèrent vers la Belgique au début des années 50.

Ses parents se marièrent en décembre 1956, vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants : Angelina, Pino et ... Vincenzo ! Même si cette dernière phrase annonce généralement la fin d’une jolie histoire, celle du petit Vincenzo Scifo ne faisait alors que commencer... un 19 février 1966, à Haine-Saint-Paul.

Voici donc le récit de la vie footballistique de l’un des plus grands joueurs que la Belgique ait connu, petit par la taille mais grand par le talent :

C’est dans les quartiers de La Louvière qu'Enzo Scifo commença à jouer au football. A l’époque, il fallait avoir 8 ans pour s’inscrire au club de RAAL La Louvière, mais le petit Enzo âgé de 7 ans n’avait qu’une seule envie : fouler enfin un vrai terrain de football.

Grâce à un arrangement entre les dirigeants du club et son papa, et surtout une manipulation des données de sa carte d’identité , Scifo eut la chance de tâter le gazon un peu plus tôt que prévu. Pour l’anecdote, à ses 8 ans, sa date de naissance fut officiellement corrigée... et le club de la RAAL dut s’acquitter d’une amende.

Scifo poursuit sa formation dans le club de la ville de son cœur et attire rapidement l’intérêt des plus grands clubs belges (parmi lesquels le Standard de Liège), notamment grâce à son sens du jeu, sa maîtrise du ballon et une grande efficacité devant le but : après avoir planté 432 buts en l’espace de seulement 4 saisons, il reçoit même le surnom de « Petit Pelé du Tivoli ». Afin de le garder dans ses rangs, le club louviérois lui verse mensuellement 2500 francs belges sur un carnet d’épargne.

Néanmoins, à l’âge de 16 ans, le jeune prodige décide de rejoindre le grand RSC Anderlecht de Munaron, Morten Olsen, Vandereycken, Czernia’, Georges Grün, Vercauteren, Kenneth Brylle et Erwin Vandenbergh, pour ne citer qu’eux.

Si l’image du numéro 10 est souvent assimilée au plaisir, l’enjeu est bien plus important encore pour le petit Enzo.

« J’ai vite compris que le football était le seul talent qui m’offrirait une vie meilleure que celle de mon père. Tous les soirs, il nous racontait sa journée et ce qui semblait être l’enfer : la boue, le danger, le travail à genoux, loin du ciel ».

Agostino Scifo quitta finalement les mines pour aller travailler dans les usines Boël, mais fut victime d’un grave accident de travail. Sa maman, Alfonsina, était obligée de travailler pour subvenir aux besoins de la famille. Après avoir été couturière chez Marvan, elle fut embauchée par Durobor, à Soignies.

« Je me souviens l'avoir souvent vue quitter la maison, le matin, vers 5 heures. Le spectacle de ma mère ainsi exposée à l'obligation d'un labeur éreintant m'a toujours fendu le cœur. Elle était tellement épuisée qu'en rentrant le soir, avant de se mettre aux fourneaux, elle nous implorait de la laisser se reposer un petit quart d'heure. Je m'étais juré que le jour où je commencerais à gagner ma vie, elle cesserait ce manège infernal. Et j'ai tenu parole », avouait-il par la suite. « C'est ma plus grande fierté ! ».

En effet, lorsqu’Anderlecht lui paya sa première prime de 50 000 francs belges, il s’empressa de tout donner à sa maman, et lorsqu’il signa son premier contrat pro, Enzo lui expliqua qu’il n’était dès lors plus question pour elle de continuer à travailler de la sorte.

Considéré comme un futur crack, Scifo fait ses premiers pas sur les pelouses de D1 belge à 17 ans. Doté de qualités techniques et d’une vision du jeu hors-normes, il enchaîne les bonnes prestations et s’impose comme titulaire. La même saison, il joue la finale de la coupe UEFA perdue contre Tottenham Hotspur. A 18 ans, il remporte le soulier d’or du meilleur joueur du championnat belge et est naturalisé 2 mois avant l’Euro 84 en France où il fait ses débuts avec les Diables Rouges. Anderlecht, et par extension la Belgique toute entière, pensent avoir trouvé le digne successeur de Paul Van Himst, lui-même entraineur du club bruxellois à l'époque.

Enzo continue ensuite sur sa lancée et amène les Diables Rouges en demi-finale du Mondial ’86 au Mexique. Il est élu meilleur jeune joueur de la compétition, remportée par les bourreaux des belges, les argentins emmenés par un certain Diego Maradona.

Après 3 titres consécutifs avec le Sporting d’Anderlecht (1985, 1986 et 1987), Scifo, suivi par les plus grandes cylindrées du football européen, décide finalement de quitter sa terre natale pour rejoindre celle de ses aïeux, l’Italie. Le jeune prodige signe à l’Internazionale Milano . Malgré de bons débuts, le meneur de jeu ne réussit pas à s’imposer en Lombardie. Le club décide donc de le prêter. Scifo dépose alors ses valises sur les bords de la Garonne, au FC Girondins de Bordeaux. Malheureusement pour lui, cette première expérience en France se soldera également par un échec, n’étant pas épargné par les blessures ... et par certains de ses coéquipiers. Du statut de future star, il passe à celui d’espoir déchu. Les observateurs soulignent un certain manque de caractère, aussi bien sur la pelouse qu’en dehors des terrains. « J’étais trop gentil. C’est le fruit de mon éducation. C’est difficile de changer quelqu’un. J’étais quelqu’un de très timide, qui écoutait beaucoup, qui avait du respect. Mais à un moment, dans un milieu aussi viril, il faut s’affirmer. A l’époque, je n’avais pas les capacités mentales pour le faire », confia-t-il plus tard au micro de la RTBF.

« Tout est allé très vite... Certains diront que c’est allé trop vite ! J’ai eu quelques échecs qui ont été lourds à supporter, mais en même temps, cela m’a permis d’apprendre vite et progresser. De petit garçon de la cité, je suis passé dans la cour des grands. Je n’ai rien vu venir ! ».

Toujours sous contrat à l’Inter, Enzo décide alors de rejoindre les rangs d’une autre écurie de ligue 1, l’AJ Auxerre, de Guy Roux. Un choix qui s’avère judicieux pour le numéro 10 qui inscrit la bagatelle de 11 buts et est élu meilleur joueur étranger du championnat français Ligue 1 Conforama. Enzo expliquera plus tard que Guy Roux représentait tout pour lui, à la fois un éducateur et un second père, l’ayant pris sous son aile alors qu’il était dans le creux de la vague. Un grand entraineur et un grand homme, paternaliste, qui aura vraiment été déterminant dans sa carrière.

S’ensuit un retour en Italie, non pas pour enfin rejouer avec l’Inter, mais bien pour disputer la coupe du monde 1990 avec les Diables, le moral gonflé à bloc. Devenu papa, Scifo porte littéralement les Diables durant les poules, aux côtés de Jan Ceulemans, mais les Diables buteront en huitième de finale sur les anglais... et un certain David Platt qui crucifia Michel Preud'homme, et tout le peuple belge, dans les derniers instants de la rencontre, d’une magistrale et toute aussi cruelle reprise de volée.

Après ce qui constitue sans doute l’une des plus grandes désillusions de l’histoire du football belge, Scifo retourne en Bourgogne. Il confirme son excellente saison, inscrivant pas moins de 14 buts. Auxerre termine à une très belle 3e place, mais l’aventure française se termine pour le belgo-italien. Il doit retourner à l’Inter avec qui il a d’ailleurs signé un nouveau contrat...

Mais Scifo ne rejouera finalement jamais pour l’Inter, les nerazzuri ayant déjà atteint leur quota d’étrangers. Scifo refuse d’être à nouveau prêté et un arrangement est trouvé avec le Torino Football Club qui recrute donc le meneur du jeu. Avec les turinois, Scifo atteint une nouvelle fois la finale de la coupe UEFA, qu’il perd face à l’Ajax Amsterdam de Dennis Bergkamp et Frank De Boer, coachés par Louis Van Gaal. Lors de sa deuxième saison à Turin, il remporte la coupe d’Italie mais le club termine à une très décevante 9e place en championnat.

En proie à des difficultés financières, le club doit malheureusement se séparer de son joyaux. Celui-ci rebondit à l'AS MONACO, sous les ordres d’ Arséne Wenger. Scifo y restera 4 ans, atteignant les demi-finales de la ligue des champions en 1994 et remportant la ligue 1 en 1997, saison durant laquelle il avait malheureusement perdu son statut de titulaire.

Comme beaucoup d’autres avant lui, Scifo décide donc de revenir au bercail, là où tout a commencé et où il a tout connu, le Sporting d’Anderlecht. Mais toujours diminué par des blessures à répétition, Scifo est clairement sur le déclin, à l’image de ses prestations aux deux dernières coupes du monde durant lesquelles il ne sera malheureusement pas parvenu à étaler l’étendue de tout son talent. Pire encore, son 4e et dernier mondial lui laissera un gout très amer. N’ayant pas joué la moindre minute lors du premier match contre les Pays-Bas, Scifo sera remplacé en cours de match contre le 3e adversaire des Diables, la Corée du Sud. Une rencontre qui se soldera sur le score de 1-1, scellant ainsi le sort des Diables en France... et de son épopée sous les couleurs des Diables.

D’une jolie feinte du corps, il dribblera habilement les journalistes le questionnant à propos du conflit qui l’aurait opposé au sélectionneur de l’époque, Georges Leekens, avant de ponctuer son action par une frappe à bout portant quelques années plus tard, lors d’un interview de la RTBF :

« Je pense qu’il (Leekens) n’a jamais donné un avis très clair sur ce qu’il s’est passé. Il doit avoir ses raisons... mais je n’ai pas trouvé ça très correct. Mon mécontentement était fondé. Je pense qu’il préparait l’étape suivante sans moi, alors que je n’avais que 31 ans. Un entraineur fait des choix. On peut le comprendre... mais de là à orienter la fin de carrière de quelqu’un qui a rendu beaucoup de services, je trouve ça dur ! [...] Je n’ai aucun regret, mais si c’était à refaire, je ne pense pas que j’aurais accepté d’aller en France en 98. Cela a gâché la fin de l’histoire. J’avais l’ambition de jouer encore à l'Euro 2000… et peut-être plus, si mon corps me le permettait. Mais après cet épisode, les choses n’ont pas évolué dans le bon sens... »

Bref, une triste fin de carrière internationale pour l’un des plus grands talents de l’histoire du football belge, affichant au compteur 84 sélections pour 18 buts, ainsi que 4 participations en phase finale de coupe du monde. Un véritable exploit et un record national qu’il partage toujours avec Marc Wilmots et Franky Van der Elst.

A la question de savoir quel fut son meilleur souvenir avec les Diables, Scifo répondra sans hésiter le Mundial 86 à Mexico.

« Paradoxalement, je n’ai pas vécu l'événement avec la même intensité que les supporters. Au Mexique, nous avons vécu sur un petit nuage, nous ne nous doutions absolument pas de l'engouement que nos performances suscitaient en Belgique. Quand nous sommes revenus au pays, ce fut le choc ! Les voitures décapotables, la Grand-Place de Bruxelles noire de monde... J'ai eu les larmes aux yeux, un moment intense et tellement rare dans le football.»

Après un dernier titre avec les mauves lors de la saison 1999-2000, c’est un Scifo blessé à la clavicule qui rejoint le Sporting de Charleroi, mais une nouvelle blessure le pousse finalement à mettre un terme à sa carrière de joueur en cours de saison, à l’âge de 35 ans.

Son bilan personnel en tant que joueur est mitigé : « J'ai le sentiment d'avoir réalisé une belle carrière mais sur un bulletin scolaire, on aurait pu y apposer la mention ‘’aurait pu mieux faire’’. Je ne regrette rien même si parfois j'ai le sentiment d'avoir manqué de constance dans mes performances. Je ne sais pas vraiment pourquoi mais ma sensibilité m'a certainement joué des tours. On m'a vite collé une étiquette sur le dos et il n'y a rien de pire que les préjugés. Au début de ma carrière, j'ai sans doute manqué de personnalité mais quel jeune de 18 ans peut se targuer d'avoir les épaules assez solides pour gérer une carrière professionnelle [...] ? C'est à Auxerre que j'ai réellement pris connaissance de mes faiblesses et c'est là que j'ai appris à les gérer. Une chose est sûre, on ne pourra jamais me reprocher de n'avoir pas fait le métier à fond. Je me suis toujours soigné parce que j'avais le respect de ce que je faisais. » (phrases tirées d’un entretien de 2002 à La Libre).

Mais ce n’est pas tout. Tout comme sa carrière de joueur, sa carrière en tant que coach débute de manière assez précoce. Peut-être même trop précoce, encore une fois ! Et c’est le moins que l’on puisse dire.

« J’étais encore joueur et jamais l’idée de devenir entraineur ne m’avait effleuré l’esprit », poursuit-il lors du même interview. « Très franchement, je ne voulais pas devenir entraineur même si j’ai dit le contraire devant les caméras. On ne peut pas tout dire devant les caméras. Je voulais montrer que j’étais impliqué. C’est des propos que l’on masque. Pour tout dire, quand j’ai appris que ma carrière était terminée à cause de ma blessure, j’appréhendais la réaction d'Abbas Bayat. Mais il m’a dit "pas de problème, tu vas reprendre l’équipe". Je n’en ai pas dormi de la nuit. Entrainer ceux qui étaient mes potes, ça me semblait impossible. Au moment où je vais voir Bayat, je pars avec l’idée de dire non. Mais il ne m’a pas laissé parler. Il était convaincu que c’était une chance pour le club et pour moi. Il était tellement sûr de lui que je n’ai pas su lui dire non ».

Scifo restera au poste un peu plus d’un an avant de s’engager en décembre 2004 à reprendre les rênes de l'AFC Tubize (en division 2), assumant par la même occasion le rôle de directeur sportif. En janvier 2006, à la suite des mauvais résultats du club, il démissionne, se concentrant alors exclusivement afin à sa fonction de directeur sportif du club brabançon. Fin 2007, Enzo redevient coach en D1, chez les hurlus du Royal Excel Mouscron cette fois. L’aventure mouscronnoise se poursuivra la saison suivante, mais à l’issue de celle-ci, en 2009, il mettra un terme à son contrat de commun accord avec les dirigeants.

Ce n’est qu’en février 2012 que Scifo reprend du service, en s’engageant avec le club hennuyer du RAEC Mons. Lors de la saison 2012-2013, il parvient à hisser les montois à une historique 7e place, avant d’être limogé la saison suivante après un bilan catastrophique de 2 points sur 24.

Il faudra ensuite attendre 2015 avant que Scifo ne revienne officiellement dans le monde du ballon rond. Enzo réintègre la sélection nationale belge, en tant que coordinateur des jeunes. Il coache les U17 et U18 avant de devenir en aout 2015 le sélectionneur des Espoirs, en lieu et place de Johan Walem. Un poste qu’il occupera jusqu’en juin 2016 avant de démissionner et se distancer quelque peu du monde du football, à qui il aura tant apporté.

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